Le code du travail définit le temps de travail effectif comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (L.3121-1 CT). Question : quand on se déplace, est-ce qu’on travaille ?

Se déplacer, c’est travailler ?

Le code du travail (L.3121-4) indique que le temps de trajet entre votre domicile et votre lieu de travail n’est pas du temps de travail effectif. L’employeur ne vous verse donc aucun salaire à ce titre. Par contre, si vous ne vous rendez pas sur votre lieu de travail habituel mais par exemple à un salon professionnel, à une réunion chez un partenaire ou que sais-je encore, et que le temps de déplacement pour se rendre sur ce lieu inhabituel dépasse le temps que vous mettez normalement entre chez vous et votre lieu habituel de travail, ce temps supplémentaire fait l’objet d’une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière.

 

Et le salarié itinérant ? Jeu…

La Cour de cassation a récemment apporté une subtilité en application droit de l’Union européenne. Dans un arrêt du 23 novembre 2022 (Soc., 23 novembre 2022, 20-21.924), elle a précisé que le temps de déplacement entre le domicile et le lieu de travail peut constituer un temps de travail effectif. Pour vérifier cela, il faut considérer les contraintes auxquelles vous êtes réellement soumis.

L’arrêt concerne un salarié technico-commercial sur 7 départements qui a une voiture de fonction et qui va de client en client toute la journée, qui passe peu au siège social, qui est tout le temps en voiture à passer des appels en kit main libre avec les clients, les fournisseurs, les collègues, etc., et qui doit parfois dormir à l’hôtel car il n’a pas le temps de rentrer chez lui entre deux clients. Ce salarié, même quand il part de chez lui ou rentre chez lui, travaille en se déplaçant. Il doit donc être rémunéré pour ces temps de déplacements qui sont du temps de travail.

 …set…

La Cour de cassation se montre très pédagogue dans son arrêt de 2022. Elle explique sa position antérieure, elle rappelle la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, elle explique les textes.

Elle va rendre un deuxième arrêt, le 1er mars 2023 (Soc., 1er mars 2023, 21-12.068), dans lequel elle est beaucoup plus directe, ce qui marque le fait que la jurisprudence est installée et qu’il n’y a pas à y revenir. Ici, le salarié itinérant effectuait ses opérations de maintenance chez les clients selon un planning prévisionnel, avec un véhicule de service et étant amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients. Ses déplacements, même depuis et vers chez lui, sont du temps de travail.

 

… et match ?

La loi pose donc un principe qui peut être écarté. Les conséquences peuvent être importantes. En termes de salaire bien sûr, mais aussi en congés payés, en temps de repos – y compris pour les cadres au forfait jour – et en travail dissimulé. Faites bien attention si vous pensez être concerné par cette situation.

 

Julien MONNIER, Avocat au Barreau de Nantes