La prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés est au cœur des débats depuis plusieurs années. Un décret de 2017 nourrit notamment les polémiques : les professionnels l’estiment flou et demandent avec insistance des modifications.

Les festivals de musique sont en proie depuis 2017 à une grande effervescence du fait du décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, plus simplement appelé « décret Son ».

Aux termes de sa notice, le « décret Son » détermine des règles visant à protéger l’audition du public exposé à des niveaux sonores élevés dans les lieux clos mais aussi en plein air, comme dans les festivals. Il vise aussi à protéger la santé des riverains de ces lieux. Pour cela, le texte définit notamment les niveaux sonores à respecter et la nécessité de mesurer et enregistrer ces niveaux.

Les professionnels du son, qui ont pourtant accompagné la rédaction du décret mais qui n’ont pas été écoutés (on notera l’ironie dans le cadre d’un décret « Son »…), ont rapidement pointé des difficultés importantes pour l’application du texte. D’autant plus importantes que le décret prévoit qu’un arrêté ministériel doit préciser les conditions de mise en œuvre du texte. Or, près de cinq ans après la publication du décret, cet arrêté n’est toujours pas paru. En cause, bien sûr la crise sanitaire mais aussi la technicité de la question et peut-être surtout le fait qu’il faille aligner les points de vue de trois ministères (santé, environnement et culture).

À l’heure actuelle, les concerts et festivals de musique se tiennent donc avec un certain un flou juridique. Quels sont les problèmes ?

En premier lieu, le décret impose mesurer le son de tous les points accessibles au public. Cela nécessite le déploiement d’un système de captation démesuré. Du strict point de vue juridique, l’absence d’arrêté entraîne en plus l’absence de méthode de mesure du son.

En deuxième lieu, deux niveaux sonores sont à respecter : 102 dB(A) et 118 dB(C), lesquels correspondent à deux intensités sonores différentes perceptibles par une oreille humaine moyenne. Le respect de ce double impératif peut affecter la balance tonale, autrement dit l’équilibre fréquentiel de la musique, comme par exemple quand vous n’entendez plus les voix de la chanson parce que vous avez joué avec le bouton balance sur votre sono. Ce d’autant plus que le fond de la salle reçoit le son alors qu’il a déjà été amoindri sur certaines fréquences par les corps des spectateurs de devant. Par ailleurs, la limite de 118 dB(C) en lien avec les basses fréquences impacte directement les musiques type électro, hip-hop, etc.

En troisième lieu, pour les festivals de plein air, ces limites sont intenables en raison des variables du terrain et notamment le vent qui peut modifier les mesures de décibels.

En dernier lieu, le décret impose des études d’impact pour les lieux clos. Ces études sont très chères. Or, lorsque le lieu n’a pas de sonorisation fixe, il faut recommencer l’étude à chaque nouvelle installation, ce qui n’est financièrement pas tenable, que ce soit pour la salle ou pour le producteur qui supporterait ce coût.

Les professionnels du son ; dont l’association AGI-SON, appellent tout d’abord à la publication de l’arrêté prévu dans le « décret Son ». Ils appellent aussi à la modification du décret notamment sur la limite de 118 dB(C) pour permettre la tenue des festivals de musique type électro, hip-hop, dub, etc. et sur les questions des limites en plein air ainsi que sur les études d’impact en lieux clos.

Affaire à suivre donc.

Julien MONNIER- Avocat au Barreau de Nantes

P. S. Pour compléter votre connaissance du sujet, je vous rappelle l’interview d’Angélique Duchemin, directrice de l’association AGI-SON, menée par Louise Alméras pour Profession Spectacle.