Employeur ou salarié du secteur culturel, vous avez nécessairement été confronté à ce choix parfois obscur : opter ou non pour la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, dite DFS. 

Mais avant d’entrer dans le détail de la DFS, rappelons ce que sont les frais professionnels ; 

Les frais professionnels 

Définition 

Les frais sont « professionnels » lorsqu’ils sont engagés pour les besoins de l’activité professionnelle du salarié et dans l’intérêt de l’employeur. 

Obligation de prise en charge 

Dès lors qu’ils sont professionnels, les frais doivent être supportés par l’employeur. Ce principe est d’ordre public et il ne peut lui être porté atteinte. Ainsi, sont nulles les clauses contractuelles qui prévoient, par exemple, qu’une charge incombant à l’employeur sera assumée par le salarié ou imputée sur la rémunération qui lui est due. 

Modalités de remboursement 

L’employeur a toute latitude pour fixer les formalités administratives de remboursement : formulaires à remplir, validation, justificatifs à fournir, délais (à condition, bien sûr, de respecter son obligation de bonne foi). Un salarié n’est donc pas fondé à réclamer le remboursement de ses frais professionnels au-delà du délai fixé par l’employeur par note de service, pour produire les justificatifs de ces frais. 

Les « limites » au remboursement 

Bien que les modalités de remboursement soient aménageables par l’employeur, celles-ci ne doivent pas aboutir à un remboursement inférieur au montant des frais engagés. Un plafonnement des montants remboursés est toutefois possible si l’entreprise a fixé préalablement des limites quant au montant des dépenses pouvant être effectuées. Dans ce cas, le dépassement peut être considéré, sauf circonstances exceptionnelles, comme une dépense personnelle. 

Il est aussi possible de prévoir un remboursement sous forme d’indemnité forfaitaire, dès lors que le salarié n’a pas à justifier du montant de ses dépenses, mais seulement de la contrainte à laquelle il a été exposé. Cette modalité de défraiement peut même lui permettre de percevoir une allocation supérieure au montant de ses dépenses s’il a été par exemple particulièrement économe. Elle ne lui est donc pas nécessairement défavorable. C’est notamment le fonctionnement des indemnités kilométriques. 

Délai de prescription 

En cas de litige sur des frais professionnels, la juridiction compétente est le conseil de prud’hommes qui peut être saisi dans les deux ans. 

Le régime social 

Le principe de non-assujettissement 

Les remboursements de frais professionnels engagés par un salarié ne sont pas assimilés à du salaire, ils ne sont donc pas soumis à charges. 

Ils doivent toutefois répondre aux critères des frais professionnels, engagés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur. À défaut, ils peuvent être requalifiés en salaire, voire avantage en nature, et soumis à charges. 

L’abattement forfaitaire sur CSG 

Pour tenir compte des éventuels frais professionnels qui ne leur seraient pas remboursés, les salariés bénéficient d’un abattement forfaitaire, dit « représentatif de frais professionnels », de 1,75 % sur leur CSG. Ainsi la CSG est-elle calculée sur 98,25 % des revenus du salarié. Cet abattement représentatif de frais professionnels s’applique à l’ensemble des salariés dès lors qu’ils ne bénéficient pas déjà d’une base de cotisation forfaitaire. 

La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (DFS) 

Au-delà de l’abattement forfaitaire qui touche la quasi-totalité des salariés, certaines professions bénéficient, depuis les années trente, d’une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (DFS), dans la limite de 7 600 € par année civile. Cette limite de 7 600 € peut être, pour des raisons de simplicité et alors même que le principe est celui d’une application par salarié, appréciée par chaque employeur. Attention, cette tolérance peut être remise en cause en cas d’abus manifeste. 

Professions bénéficiaires 

Au titre de ces professions figurent les artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques ou chorégraphiques qui bénéficient d’une DFS de 25 % et les artistes musiciens, choristes, chefs d’orchestre, régisseurs de théâtre et personnels de création de l’industrie cinématographique (liste ci-dessous) qui bénéficient d’une DFS de 20 %. 

Le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels est lié à l’activité professionnelle du salarié et non à l’activité générale de l’entreprise. Lorsqu’un salarié exerce plusieurs professions, dont certaines ouvrent droit à la déduction forfaitaire spécifique, il y a lieu de considérer séparément les revenus tirés de chacune des activités et de leur appliquer le régime qui leur est propre. 

Conditions pour bénéficier de la DFS 

Au-delà d’appartenir à une des professions mentionnées ci-dessus, l’application de la DFS est conditionnée, depuis le 1er janvier 2022, au fait que le salarié concerné supporte effectivement des frais lors de son activité professionnelle. 

Les employeurs ont toutefois bénéficier d’une période de transition d’un an pour se mettre en conformité avant que les premiers redressements ne soient prononcés. 

En pratique, depuis le 1er janvier 2023, l’employeur doit être en mesure de fournir des justificatifs des salariés concernés.  

Ainsi, en l’absence de frais effectivement engagés ou en cas de prise en charge ou de remboursement par l’employeur de la totalité des frais professionnels, la déduction forfaitaire spécifique n’est pas applicable dès lors que le salarié ne supporte aucun frais supplémentaire au titre de son activité professionnelle. 

Par conséquent, la seule appartenance à l’une des professions visées à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, ou le fait de relever de ce dispositif par des interprétations ayant fait l’objet d’une décision spéciale de la direction de la législation fiscale ou de la direction de la sécurité sociale avant le 1er janvier 2001, ne suffit pas à soi seul à permettre le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique. 

Pour appliquer la déduction forfaitaire spécifique, l’employeur doit disposer des justificatifs démontrant que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels. 

Exercice de l’option 

L’employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels lorsqu’une convention collective ou un accord collectif du travail l’a explicitement prévue ou lorsque, par tout moyen, le comité d’entreprise, les délégués du personnel ou le comité social et économique ont donné leur accord. 

Ce droit d’option peut être révisé par l’entreprise en fin d’année. 

A défaut, il appartient à chaque salarié d’accepter ou non cette option. L’entreprise s’assure annuellement, par tout moyen, du consentement de ses salariés à l’application de la déduction forfaitaire spécifique. Pour cela, l’employeur met en œuvre une procédure consistant à informer chaque salarié concerné, par tout moyen donnant date certaine à cette consultation, de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits aux assurances sociales. Une réponse d’accord ou de refus doit être retourné par le salarié. Si le salarié indique vouloir bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique ou y renoncer, sa décision prendra effet à compter de l’année civile suivante. 

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé ne répond pas à cette consultation, son silence vaut accord. 

L’employeur qui ne justifie pas avoir consulté ou informé au préalable ses salariés de l’option choisie pour la prise en charge des frais professionnels ne peut se prévaloir d’un accord de ceux-ci, même tacite. 

Il appartient à l’employeur de prouver que les salariés ont été informés des conséquences de l’application de la déduction forfaitaire spécifique sur la validation de leurs droits. S’agissant d’une des conditions d’application du dispositif, son non-respect fonde la réintégration dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale du montant de la déduction appliquée par l’entreprise. 

Afin de pouvoir apporter la preuve de la consultation effective des salariés préalablement à l’application de la DFS, il est fortement conseiller de les informer et consulter par lettre recommandée. 

L’employeur qui ne justifie pas avoir consulté ou informé au préalable ses salariés de l’option choisie pour la prise en charge des frais professionnels ne peut se prévaloir d’un accord de ceux-ci, même tacite. 

Il appartient à l’employeur de prouver que les salariés ont été informés des conséquences de l’application de la déduction forfaitaire spécifique sur la validation de leurs droits. S’agissant d’une des conditions d’application du dispositif, son non-respect fonde la réintégration dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale du montant de la déduction appliquée par l’entreprise. 

Ainsi, en cas de réintégration, l’employeur devra s’acquitter auprès des caisses sociales les cotisations salariales et patronales non versées en raison de l’application non justifiée de la DFS, auxquelles s’ajouteront les traditionnelles pénalités et indemnités de retard. 

Assiette des cotisations 

Si l’option n’est pas prise, c’est le régime ordinaire des frais professionnels qui s’applique : le salarié cotise sur la totalité de son salaire, sans déduction, et les remboursements de frais professionnels sont exonérés.  

En cas d’application de l’abattement forfaitaire, la base de calcul des cotisations est constituée par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, gratifications ou autres acquises aux intéressés, y compris, le cas échéant, les indemnités versées au titre de remboursement de frais professionnels (frais réels ou allocations forfaitaires) et les avantages en nature. Doivent donc être intégrées avant abattement les sommes ayant la nature de remboursement de frais, à l’exception de celles qui correspondent à des dépenses engagées pour le compte de l’entreprise. 

Par exemple, un salarié qui perçoit 2 000 euros de rémunération et 300 euros de remboursement de frais professionnel cotisera, s’il ne bénéficie pas la DFS, sur 2 000 euros. En revanche, s’il opte pour la DFS, il bénéficiera d’une déduction de 25 % de ses salaires et frais, soit 575 euros1. Il cotisera alors sur 1725 euros2. En revanche, la DFS n’est applicable ni à l’assiette des cotisations de Pôle emploi, ni à celle de la caisse des Congés spectacles, ni à celle des cotisations dues à la médecine du travail. Il n’est pas non plus applicable aux assiettes de la CSG et de la CRDS pour lesquelles il est appliqué l’abattement forfaitaire de droit commun. 

Toutefois, l’application de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels ne peut avoir pour conséquence de ramener la rémunération soumise à cotisations en deçà de la valeur du SMIC en vigueur. 

Il convient donc de bien apprécier, en début d’année, l’opportunité ou non, d’opter pour la DFS. Ainsi, un salarié dont les remboursements de frais sont inférieurs à 6000 euros par an (mais qui pourra néanmoins justifier de frais profession) aura tout intérêt à prendre l’option. Entre 6 000 et 7 600 euros de remboursement de frais par an, cela dépendra du niveau de revenu du salarié. Au-delà de 7 600 euros par an, la DFS est moins favorable que le régime général. 

Exceptions au non-cumul de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels 

Certains remboursements de frais professionnels peuvent, malgré la DFS, être exclus de l’assiette de cotisation. Il s’agit, d’une part, des remboursements versés à certaines professions bénéficiant d’une déduction forfaitaire spécifique dont le montant est notoirement inférieur à la réalité des frais professionnels exposés et, d’autre part, de ceux versés au titre d’avantages venant en contrepartie de contraintes professionnelles particulièrement lourdes.  

Les allocations et indemnités versées à certaines professions bénéficiant d’une déduction forfaitaire spécifique dont le montant est notoirement inférieur à la réalité des frais exposés sont, dans le secteur culturel : 

  • les indemnités journalières de « défraiement » versées aux artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques ainsi qu’aux régisseurs de théâtre, qui participent à des tournées théâtrales ; 
  • les allocations de « saison », allouées aux artistes, musiciens, chefs d’orchestre et autres travailleurs du spectacle qui sont engagés par les casinos, les théâtres municipaux ou les théâtres bénéficiant de subventions des collectivités territoriales pendant la durée de la saison ainsi que, le cas échéant, les remboursements de leurs frais de déplacement. Il en est de même pour les répétitions effectuées dans le cadre de la saison ; 
  • les allocations et remboursements de frais perçus par les chefs d’orchestre, musiciens et choristes à l’occasion de leurs déplacements professionnels en France et à l’étranger. Il en est de même pour les répétitions effectuées dans le cadre de ces déplacements ; 

Les allocations et indemnités versées au titre d’avantages résultant de certaines contraintes professionnelles sont : 

  • la prise en charge obligatoire de 50 % du coût des titres de transport des salariés ou la prime de transport de 4 euros ; 
  • la contribution patronale à l’acquisition des titres-restaurant. 

En cas de mise à disposition par l’employeur d’un véhicule de transport en commun à destination des salariés pour les conduire sur le lieu de travail, l’avantage peut être négligé même en cas d’application de la déduction forfaitaire spécifique. L’avantage n’a pas à être compris dans la base de calcul des cotisations de sécurité sociale des salariés auxquels la déduction est appliquée. 

Par contre, à partir du 1er janvier 2023, l’intégration dans l’assiette des cotisations sociales des remboursements de frais et des prises en charge directes par l’employeur suivants sera obligatoire avant l’application de la déduction forfaitaire spécifique : 

  • Prise en charge directe par l’employeur auprès d’un tiers (hôtelier, restaurateur, entreprise de taxi…) des frais de son salarié en situation de déplacement professionnel (frais d’hébergement, frais de repas, frais de taxi…) ; 
  • Remboursement des dépenses d’entretien des vêtements de travail ; 
  • Remboursement des dépenses engagées par le salarié dans le cadre de sa participation à la demande de son employeur à titre exceptionnel à des manifestations organisées dans le cadre de la politique commerciale de l’entreprise ; 
  • Remboursement des dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l’employeur à l’occasion des repas d’affaires dûment justifiés sauf abus manifeste. 

En conclusion, faut-il ou non appliquer la DFS ? 

Le premier avantage, et non des moindres, de la DFS est de réduire l’assiette des cotisations sociales et, donc, leur montant. Pour l’employeur, cela réduit le coût du travail. Pour le salarié, cela lui permet de percevoir un salaire net supérieur à celui qu’il percevrait en application du droit commun. 

Attention toutefois au revers de la médaille. La DFS a aussi pour effet d’amoindrir l’assiette sur laquelle sont calculés certains droits sociaux, et donc de diminuer le montant des prestations de sécurité sociale dont le salarié peut bénéficier. C’est le cas des revenus de remplacement qui sont servis par les différentes branches de la sécurité sociale et qui sont destinés à compenser la perte de rémunération pendant une période d’inactivité partielle ou totale (maladie, maternité, invalidité et retraite notamment). 

Enfin, il ne faut aucun doute que les nouvelles conditions, de plus en plus restrictives, pour bénéficier de la DFS marquent une volonté affirmée d’en réduire très fortement l’usage. Et nous pouvons légitiment penser que les prochains contrôles URSSAF ne manqueront pas d’observer ce point précis. 

Nous ne saurions donc que vous conseiller d’être prudent quant à l’utilisation de la DFS et de ne l’appliquer que lorsque vous êtes absolument sûr de pouvoir justifier des frais professionnels de votre salarié et de son information/consultation préalable.  

1    25% x (2000 + 300) = 575 
2    2000 + 300 – 575 = 1725 


Liste des professions de l’industrie cinématographique pouvant avoir un abattement sur l’assiette de leurs cotisations sociales (cf instruction fiscale du 29 juillet 1976)  

  • Administrateurs de production ;  
  • Directeurs de production ;  
  • Secrétaires de production ;  
  • Metteurs en scène (ou réalisateurs) ;  
  • Assistants réalisateurs ; 
  • Régisseurs généraux ;  
  • Régisseurs adjoints ; 
  • Régisseurs accessoiristes ; 
  • Chefs opérateurs ;  
  • Opérateurs adjoints ;  
  • Décorateurs ;  
  • Script-girls ; 
  • Chefs monteurs ;  
  • Aides monteurs ;  
  • Photographes de studio ;  
  • Ingénieurs du son ;  
  • Assistants ingénieurs du son ; 
  • Maquilleurs ;  
  • Tapissiers ;  
  • Habilleuses. 

Exemple de formulation

Attestation de déduction pour Frais Professionnels  

(justificatif à remplir par le salarié ayant choisi l’option de la déduction pour frais professionnelle à remettre et à conserver par l’employeur)  

Je, soussigné(e) : 

N° de Sécurité sociale :  

( )accepte que les cotisations sociales soient calculées en appliquant le taux d’abattement pour frais professionnels lié à ma profession. Je suis informé(e) que mes droits sociaux, notamment les droits à indemnités complémentaire et les droits à retraite, seront minorés d’autant.  

( )refuse expressément que les cotisations sociales soient calculées après application d’un abattement pour frais professionnels. 

J’autorise mon employeur ……………………………………………………. à l’appliquer pour le calcul de mes cotisations pour l’année civile ……………… en cours.  

Fait à ……………………… Le ……………………………  

Signature du salarié : 

A télécharger ici


Voir aussi

Instant pro : DÉDUCTIONS FORFAITAIRES : ARTISTES ET PROFESSIONNELS, NE PASSEZ PAS À CÔTÉ !