La protection des œuvres par le droit d’auteur est limitée dans le temps à compter du décès de l’auteur. Que peut faire l’auteur ou ses ayants-droits pour augmenter la protection de l’œuvre ?

Dans l’Instant Pro #8, je vous avais expliqué le droit d’auteur dans ses dimensions patrimoniale et morale à travers le vrai faux retour de Gaston Lagaffe. Le droit moral pour protéger l’œuvre est un instrument qui a ses limites, on le voit dans le cas de Gaston : Isabelle Franquin peut-elle vraiment interdire une exploitation que son père a par ailleurs cédé en toute connaissance de cause ?

Il faut distinguer deux temps. Premier temps : l’œuvre n’est pas encore dans le domaine public, soit que l’auteur reste vivant soit que nous n’ayons pas dépassé les 70 ans après l’année civile en cours au moment de son décès (L.123-1 CPI). Si on cède les droits patrimoniaux, on peut interdire la reprise de l’œuvre sous la plume d’un autre auteur en précisant ce point lors de la cession. Ça aura le mérite de l’efficacité. Si on a cédé ses droits sans cette précision, on peut tenter d’empêcher la reprise des personnages par voie testamentaire au nom du droit moral. Pourquoi tenter ? Parce qu’il n’est pas certain que le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre empêche une continuation de l’exploitation du personnage par le détenteur des droits. Rappelons que, pour Gaston, ce sont les planches de bande dessinée et les caractéristiques des personnages qui sont protégées dans leur intégrité, a priori pas autre chose.

Deuxième temps : l’œuvre est passée dans le domaine public. Les délimitations du droit d’exploitation cédé n’ont plus force. Rien n’interdit à personne d’utiliser les personnages. C’est la leçon de l’affaire Cosette ou le temps des illusions, une suite aux Misérables de Hugo. La Cour de cassation a alors précisé « que sous réserve du respect du droit au nom et à l’intégrité de l’œuvre adaptée, la liberté de création s’oppose à ce que l’auteur de l’œuvre ou ses héritiers interdisent qu’une suite lui soit donnée » lorsque l’œuvre passe dans le domaine public (Civ. 1ère, 30 janvier 2007, pourvoi n° 04-15.543).

Si le droit moral à une efficacité incertaine puis insuffisante, quelles sont les autres voies ?

En matière de bande dessinée, on peut recourir au droit des dessins. C’est ainsi que les personnages principaux d’Astérix sont des dessins déposés depuis 1967 et identifiés comme personnages humoristiques. En déposant un dessin, l’auteur obtient un monopole d’exploitation sur le territoire français pour une durée minimale de 5 ans qui peut être prolongée jusqu’à une période maximale de 25 ans. On double la protection mais on ne résout pas la question du domaine public.

On peut recourir au droit des marques. C’est ainsi que Valérian et Laureline, Spirou et Fantasio, mais aussi Gaston Lagaffe, sont des marques déposées par les éditeurs, puisqu’ils sont titulaires des droits patrimoniaux. Agissant ainsi, ils obtiennent un monopole d’exploitation sur le territoire français, mais qu’ils peuvent étendre au monde entier, pour 10 ans, monopole renouvelable indéfiniment. Il leur suffit d’utiliser la marque par eux-mêmes ou de la faire exploiter par un tiers et de renouveler la marque avant l’échéance.

Dans chacun des cas, évidemment, il faudra respecter les conditions du dépôt. Le dessin doit être nouveau et posséder un caractère propre ; l’ensemble des conditions figurant aux articles L.511-1 à L.511-8 CPI. La marque doit être notamment distinctive, disponible et sans similarité avec une marque existante. ; l’ensemble des conditions figurant aux articles L.711-1 à L.711-3 CPI).

Mais à la clé, c’est une protection durable du monopole d’exploitation des œuvres que vous aurez créée.

Julien MONNIER – Avocat au Barreau de Nantes