La loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 possède un titre pour le moins obscur puisqu’elle est « relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ». On fera difficilement plus fourre-tout. En ce qui nous concerne, nous nous arrêterons aujourd’hui sur son article 53 qui a institué un dispositif spécifique d’activité partielle dénommé « activité réduite pour le maintien en emploi », lequel est destiné à assurer le maintien dans l’emploi dans les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité.

Le principe

L’activité partielle de longue durée (APLD) est destinée à toutes les entreprises qui connaissent une réduction durable de leur activité. Bien que l’APLD soit inscrite dans le cadre du plan de relance gouvernemental, il n’y a en réalité pas à démontrer que les difficultés économiques sont liées à la crise sanitaire. Il s’agit donc d’un nouveau dispositif de soutien aux entreprises. L’APLD permet de diminuer l’horaire de travail d’un ou plusieurs salariés sur une durée de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 36 mois consécutifs. L’horaire de travail peut être diminué dans la limite de 40 % de l’horaire légal.

Le contrat de travail, comme en activité partielle classique, est suspendu sur les heures au cours desquelles le salarié n’est pas à la disposition de son employeur. Pour cela, l’entreprise prend des engagements en matière de maintien de l’emploi.

Par le biais d’un financement issu de l’État et de l’UNEDIC, le salarié perçoit une indemnité pouvant représenter jusqu’à 70 % de sa rémunération brute antérieure à son placement en activité partielle de longue durée. Le mécanisme prévoit un plafond de 4,5 SMIC, soit 32,29 euros par heure non travaillée. Cette allocation est versée à son employeur qui la lui reverse. De son côté, l’employeur perçoit une allocation équivalent au plus à 60 % de la rémunération horaire brute, limitée aussi à 4,5 fois, le taux horaire du SMIC soit 27,68 euros par heure non travaillée.

Les délais

L’APLD n’est à cette heure pas prévue pour durer puisqu’il faut rentrer dedans au plus tard le 30 juin 2022. Les entreprises ont donc encore plusieurs mois pour choisir d’appliquer ce dispositif. C’est une fois entrée dans le dispositif que la période de 36 mois évoquée ci-dessus s’applique. Ceux qui demanderont à bénéficier du dispositif au dernier moment pourront donc l’appliquer jusqu’au 30 juin 2025. Quant à savoir si le dispositif restera temporaire ou deviendra pérenne, il ne faut jamais dire fontaine…

La mise en place du dispositif d’APLD

La loi a prévu deux possibilités d’accéder à l’APLD pour les entreprises
: soit sur la base d’un accord collectif entre employeurs et salariés au niveau d’un établissement, de l’entreprise elle-même ou du groupe auquel l’entreprise appartient ; soit sur la base d’un document unilatéral s’appuyant sur un accord collectif de branche étendu. Cette seconde possibilité traduit bien qu’il s’agit alors d’une décision unilatérale de l’employeur qui doit seulement consulter le Comité social et économique (CSE) lorsqu’il existe. Cela ne doit pas empêcher les employeurs courtois ou au moins désireux de sauvegarder la paix sociale d’échanger auparavant avec leur personnel. 

Précisons qu’un accord de branche n’engage que les entreprises adhérentes aux organisations syndicales signataires. Seules ces entreprises ont donc accès à l’APLD. Pour que toutes les entreprises de la branche y aient accès, il faut que l’accord soit étendu, c’est-à-dire, pour faire simple, que le ministère du Travail ait pris la décision qu’il était applicable à toutes et tous. Un accord collectif au niveau de l’entreprise suppose pour sa part un texte négocié et signé entre les représentants des salariés et l’employeur, chacun pouvant lancer l’idée d’un projet d’accord qui porte sur l’APLD.

Dans les entreprises d’au moins 11 salariés, les conditions de validité d’un accord sont liées à la présence ou non d’un délégué syndical, de l’effectif et de la présence d’un CSE. Dans les entreprises de moins de 11 salariés, ce qui est plus souvent le cas dans le monde de l’art et du spectacle, pour être considéré comme un accord d’entreprise valide, s’il n’y a pas de délégué syndical, le projet d’accord doit être approuvé à la majorité des deux tiers du personnel selon une procédure stricte qui permet d’assurer l’information et la bonne consultation des salariés.

Dans tous les cas, l’accord ou le document unilatéral doit comporter des stipulations sur les sujets suivants :

– date de début et durée d’application du dispositif ;
– activités et salariés concernés ;
– réduction maximale de l’horaire de travail en dessous de la durée légale du travail ;
– engagements en matière d’emploi et de formation professionnelle ;
– modalités d’information des organisations syndicales de salariés signataires et du CSE.

La différence essentielle tient au fait que :
– l’accord collectif mentionne obligatoirement un diagnostic sur la situation économique et les perspectives d’activité de l’établissement, l’entreprise ou le groupe ;
– le document unilatéral détaille les conditions de mise en oeuvre dans l’établissement ou l’entreprise des stipulations contenues dans l’accord de branche étendu. Nombre de branches ont négocié des accords pour permettre aux entreprises relevant de leur champ d’application de recourir au dispositif de l’APLD et bénéficient déjà d’accords étendus.  Pour sa part, l’accord de la branche des entreprises du secteur privé du spectacle vivant ne date que du 1er juillet dernier.

Le ministère du Travail a lancé la procédure d’extension par un avis publié au Journal officiel de la République française n° 173 du 28 juillet 2021. Il est prévu que l’arrêté soit publié au Bulletin officiel des conventions collectives 2021-30.

À partir de là, toutes les entreprises relevant de la branche, qu’elles soient adhérentes ou non des organisations syndicales signataires, pourront rentrer dans le dispositif par décision unilatérale. En attendant, il faut négocier au niveau de l’entreprise, de son établissement ou de son groupe.

Focus sur les engagements, leur contrôle et leur sanction

Les engagements de maintien dans l’emploi et en matière de formation professionnelle concernent tous les emplois de l’établissement ou de l’entreprise, ce périmètre d’application pouvant être modifié par l’accord collectif. C’est aux entreprises d’être inventives sur leurs engagements. En matière d’emploi, elles peuvent au moins s’engager à ne procéder à aucun licenciement pour motif économique pendant la durée du bénéfice de l’APLD pour tous les salariés de l’entreprise (choix effectué par la branche des entreprises du secteur privé du spectacle vivant dans l’accord de branche du 1er juillet dernier) ou pour les seuls salariés concernés par ce dispositif. 

Les accords de branches étendus sont aussi une source d’inspiration, notamment sur la formation. On peut prévoir que tout salarié placé en APLD et qui le demande obtienne un entretien avec son responsable hiérarchique pour définir ses besoins en formation, une mobilisation du compte personnel de formation (CPF) sur la seule initiative du salarié placé en APLD, le recours au bilan de compétence, à la validation des acquis de l’expérience, etc.

L’accord de branche du secteur privé du spectacle vivant prévoit une rémunération supplémentaire pour le salarié en APLD qui suit une formation à la demande de l’entreprise sur le temps non travaillé. Il prévoit aussi un abondement supplémentaire de 300 euros versé par l’entreprise sur le CPF du salarié qui suit une formation que l’entreprise n’avait pas obligatoirement envisagée. Il rappelle aussi des engagements préexistants comme le fait que les entreprises peuvent mobiliser le dispositif « Appuis-conseil » auprès de l’OPCO AFDAS afin de bénéficier d’un accompagnement personnalisé pour la gestion des ressources humaines.

Tous les 6 mois, l’employeur transmet à la Direction départementale en charge de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS ou DDETS-PP, ex-Direccte) un bilan sur le respect de ses engagements. Ce document aborde la situation de l’entreprise en matière d’emploi (quels sont les emplois en APLD ? Quel est leur volume d’heures non travaillées ? Quelles sont les perspectives de retour à la pleine activité ? Etc.) et de formation professionnelle (quel besoin de formation a été identifié ? Quel salarié a commencé quelle formation ? Avec quel financement ? Etc.).

Le bilan fait également un point sur  l’information des organisations syndicales de salariés signataires (si l’APLD n’est pas mise en place sur la base d’un accord de branche étendu) et du CSE qui doit être informé de la mise oeuvre du dispositif. Le bilan est accompagné d’un diagnostic actualisé de l’entreprise qui porte sur la situation économique et les perspectives d’activité.

Quid si l’employeur n’a pas respecté ses engagements sur les emplois et la formation professionnelle ?

La DDETS ou DDETS PP peut alors suspendre le versement de l’allocation d’activité partielle. À noter que ce n’est que l’allocation qui est en jeu, soit les sommes reçues et conservées par l’employeur, et non l’indemnité qui reste conservée par le salarié. Si l’employeur a licencié pour motif économique un salarié sous APLD, il doit alors rembourser à l’Agence de services et de paiement les allocations perçues pour ce salarié.

L’employeur peut cependant être exonéré de ce remboursement s’il établit que la situation économique et financière de l’entreprise s’est dégradée depuis la prise des engagements et qu’il a été contraint économiquement de se séparer de son salarié. Si l’employeur licencie économiquement un salarié qui n’est pas en APLD, il doit rembourser à l’Agence de services et de paiement une somme égale au montant total des sommes versées au titre de l’APLD, divisée par le nombre de salariés placés en APLD. Il faut relever ici que les employeurs ne sont pas dépossédés de leur pouvoir disciplinaire : si un salarié en APLD a commis une faute, il peut toujours recevoir une sanction allant jusqu’au licenciement sans pour autant devoir retourner les allocations perçues.

La procédure de validation de l’accord ou du document unilatéral

L’accord collectif doit ensuite être déposé auprès de l’agence de services et de paiement pour valoir demande de validation, ainsi qu’auprès du ministère du Travail, au Service de dépôt des accords collectifs d’entreprise. La DDETS ou DDETS-PP dispose de 15 jours pour valider un accord, le silence gardé valant acceptation. La décision de validation est accordée pour 6 mois et peut être renouvelée tous les 6 mois en fonction du bilan de suivi des engagements adressé par l’employeur. La procédure est similaire pour la décision unilatérale, sans qu’il y ait besoin d’un dépôt auprès du ministère du Travail et à la différence que la DDETS ou DDETS-PP dispose de 21 jours pour rendre sa décision.

Le cumul avec l’activité partielle

Les deux dispositifs, activité partielle de longue durée et activité partielle, ne sont pas cumulables. Il y a néanmoins des exceptions. Il est possible de placer une partie des salariés en activité partielle de longue durée et une autre en activité partielle si l’entreprise est dans une des situations suivantes :

– si elle connaît des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou énergie ;
– si elle subit les conséquences d’un sinistre, d’intempéries ou d’autres circonstances de caractère exceptionnel ;
– si l’entreprise est en cours de transformation, restructuration ou modernisation.
Il n’est pas impossible que certaines entreprises liées au monde de l’art et du spectacle puissent se prévaloir d’une de ces situations. 

Julien Monnier – Avocat au Barreau de Nantes