En 2021, le nombre de salariés intermittents du spectacle s’élève à près de 286 000 personnes [1] dont la majeure partie est embauchée en contrat à durée déterminée d’usage.  Quoi de plus naturel lorsqu’il est « d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ? » [2]  Pourtant, si le CDD d’usage est très largement plébiscité, il reste, comme pour tout contrat à durée déterminée, un contrat d’exception et sa conclusion doit être entourée de certaines précautions.

Par principe, « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail » (art. L.1221-2 al.1 C.Trav). Le contrat à durée déterminée, expression anormale, car jugée trop précaire, de la relation d’emploi, reste donc l’exception dont les conditions de recours sont strictement encadrées. D’abord, lors de l’embauche d’un salarié en contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, il faut s’assurer que celui-ci n’a « ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ». (art. L.1242-1 C.Trav) Ensuite, le motif du recours doit être légitime. Les différents motifs de recours au CDD sont exhaustivement listés par la loi qui ne supporte aucune créativité ou fantaisie. Il s’agit :

  • du remplacement d’un salarié absent ;
  • de l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
  • de l’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;
  • de la réalisation d’un objet défini, le CDD dit « de projet » ;
  • de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi ;
  • de contrat couplant activité et formation professionnelle.

De ces six motifs, c’est l’usage qui retiendra notre attention. Au-delà de la nature nécessairement temporaire de l’activité exercée, le contrat d’usage n’est autorisé que si l’entreprise appartient à un secteur d’activité autorisé par décret ou accord collectif étendu. Et c’est l’article L.1242-1 du code du travail qui permet le recours au CDD d’usage pour « les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique ». En résumé, pour pouvoir recourir au CDD d’usage :

  • l’employeur doit être une entreprise dont l’activité principale appartient au secteur du spectacle, de l’action culturelle, de l’audiovisuel, de la production cinématographique ou de l’édition phonographique.
  • l’emploi occupé ne doit pas être lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;
  • il doit s’agir d’un emploi pour lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI.

Ces conditions de fond remplies, des conditions de forme s’imposent. Le formalisme du CDD d’usage est le même que pour tout autre CDD : il est nécessairement écrit, rédigé en français et signé des deux parties. Il doit comporter les mentions suivantes :

  • le motif, ici l’usage.
  • la date de fin de contrat et la durée minimale du contrat s’il s’agit d’un CDD à terme imprécis ;
  • le poste occupé ;
  • la convention collective de branche applicable dans l’entreprise ;
  • la durée de la période d’essai éventuellement prévue ;
  • le montant de la rémunération et de ses différentes composantes ;
  • le nom et l’adresse de la caisse de retraite et des organismes de prévoyance.

D’autres mentions peuvent être rendues obligatoires par les conventions collectives. Par exemple, un CDD d’usage conclu avec un artiste relavant de l’annexe 4 de la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012 (IDCC 3090) devra, entre autres, préciser le ombre de représentations garanties.

Attention, s’il est conclu pour un temps partiel, le contrat doit également mentionner les clauses obligatoires aux contrats à temps partiel. Enfin, le contrat doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables qui suivent l’embauche. Le non-respect de cette disposition « ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ». (Art. L.1245-1 C.Trav.)

Le CDD d’usage reste toutefois un CDD hors norme car il bénéficie d’exceptions propres.

D’abord, il ne souffre d’aucun délai de carence et les CDD d’usage peuvent se succéder sans limitation, à condition bien sûr de ne pas pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Ensuite, l’indemnité de précarité, égale à 10 % des salaires perçus, n’est pas due au terme du contrat. Autant d’éléments qui chiffonnent le législateur.

Ce dernier cherche désormais à dissuader de plus en plus fortement les employeurs de recourir au CDD d’usage. C’est précisément l’objet de la taxe forfaitaire de dix euros par CCD d’usage prévue par la loi de finances pour 2020 [3] , à laquelle « échappent » les salariés relevant des annexes VIII et X du règlement d’assurance chômage[4] , dans la mesure où ceux-ci sont déjà soumis à une surcontribution spécifique de 5 % pour l’ensemble des contrats relatifs aux intermittents du spectacle et d’une contribution spécifique de 0,5 % sur les CDD d’usage. S’il semble difficile pour beaucoup d’employeurs de se passer du CDD d’usage, cette nouvelle mesure vise sans détour à en limiter le recours. Et il y a fort à parier que d’autres suivront.

Clément Monnier

[1] Pole emploi – Statistiques, études et évaluations, Octobre 2022 #22.033-1

[2] Article L.1242-2, 3 du code du travail

[3] Article 51 du projet de loi de finances pour 2020

[4] Salariés des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel et du spectacle.