Le cadre en forfait jours est un salarié qui échappe à une partie de la réglementation du temps de travail. Il ne travaille pas 1607 heures dans l’année mais un nombre de jours, dans la limite de 218 par an. Ainsi, les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives (L.3121-62 CT) :  

    • * à la durée quotidienne maximale de 10 heures de travail effectif (L.3121-18 CT)
    • *aux durées hebdomadaires maximales de travail de 48 heures (L.3121-20 CT) ou 44 heures sur douze semaines consécutives (L.3121-22 CT)
    • *à la durée légale hebdomadaire de 35 heures (L.3121-27 CT

Le salarié ne peut donc pas effectuer d’heures supplémentaires. Est-ce une aubaine pour l’employeur qui estime que le salarié est libre de s’organiser comme il veut et qu’il n’a donc pas à surveiller son temps de travail ? Certainement pas. Penser ainsi serait une erreur grossière.

Le cadre doit se reposer

Avant tout, parce que le salarié doit néanmoins respecter les 11 heures quotidiennes de repos (L.3131-1 CT) et le jour de repos hebdomadaire (L.3132-1 CT et L.3132-2 CT). Il y a donc déjà quelque chose à surveiller chez le salarié cadre : ses heures de prise de poste et de fin de poste et sa prise de repos hebdomadaire.

Le cadre ne doit pas être surchargé

De plus, la convention collective applicable a toutes les chances d’imposer à l’employeur des modalités pour qu’il assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié (L.3121-64 CT). Par exemple, la convention collective du spectacle vivant prévoit que « L’employeur veille (…) à ce que l’amplitude des journées travaillées (…) soient raisonnables » (article 8.11). Il doit aussi vérifier que « la prise des jours de repos s’effectue de manière équilibrée sur l’année » et que tous les jours de repos soient pris (article 8.11).

Si jamais il n’y avait pas de dispositions à ce sujet dans la convention collective, l’employeur aurait tout intérêt à intégrer dans la convention individuelle de forfait en jours les modalités de suivi de la charge de travail de son salarié.

Et si on ne surveille pas les temps du cadre au forfait jour ?

Que se passe-t-il si l’employeur n’effectue pas ce contrôle du temps et de la charge de travail ? La clause de forfait jour serait alors privée d’effet le temps de l’absence de contrôle. Donc le salarié pourrait prétendre pour cette période au décompte de ses heures et à leur rémunération selon le système classique avec prise en compte des heures supplémentaires au-delà de la 35ème heures hebdomadaire. Les conséquences pour l’employeur sont en général assez douloureuses.

Le cadre doit se déconnecter

De plus, le suivi du temps de travail du cadre au forfait permet de s’assurer qu’il exerce son droit à la déconnexion, lequel serait plutôt un devoir pour l’employeur que ses salariés se déconnectent. Si le salarié se connecte à ses outils numériques, c’est qu’il travaille. Donc surveiller qu’il ne se connecte pas, c’est déjà limité le risque qu’il soit en train de travailler sans respect de ses repos quotidiens et hebdomadaires obligatoires et sans égard pour une gestion raisonnable de la charge de travail. Rappelons que le non-respect du droit à la déconnexion peut se solder notamment par des dommages et intérêts.

L’ensemble de ces modalités, temps de repos et déconnexion, s’inscrit dans le contexte plus général du droit à la santé du salarié. Par conséquent, mettez en place des systèmes de surveillance de vos cadres au forfait, même sur simple renseignement du salarié, ce sera déjà ça.

Julien Monnier, Avocat au Barreau de Nantes