Depuis le 1er janvier 2022, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a hérité des missions de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur l’internet (HADOPI) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Sa régulation s’étend désormais aux services en ligne et vise en particulier à lutter contre ceux qui ne respectent pas les droits d’auteur et les droits voisins.

Composition, pouvoirs et missions

 L’ARCOM compte neuf membres nommés pour un mandat de six ans non renouvelable : son président, désigné par le président de la République ; trois membres désignés par le président de l’Assemblée nationale ; trois membres désignés par le président du Sénat ; deux membres désignés respectivement par le vice-président du Conseil d’État et le premier président de la Cour de cassation.

L’ARCOM est dotée de pouvoirs que l’on peut dire de « riposte graduée ». Lorsqu’elle constate un manquement lié à des obligations législatives ou réglementaires, ou à des engagements conventionnels, elle peut, selon un ordre croissant de répression, adresser au service visé une lettre de rappel à la réglementation, une lettre de mise en garde ou une mise en demeure.

Lorsque le service visé ne se conforme pas à cette mise en demeure, un rapporteur indépendant, désigné par le vice-président du Conseil d’État, se voit confier l’instruction du dossier par le directeur général de l’ARCOM. Le rapporteur décide alors si les faits dont il a connaissance justifient l’engagement d’une procédure de sanction. Il peut procéder à toutes les auditions et consultations qu’il estime nécessaires. À la suite de son instruction, il communique son rapport à la personne mise en cause ainsi qu’à l’ARCOM, dont le collège des neuf membres décidera ou non de prendre une mesure de sanction.

L’ARCOM se voit confier trois missions
Premièrement, une mission de protection des oeuvres et objets auxquels sont attachés un droit d’auteur, un droit voisin ou un
droit d’exploitation audiovisuelle : cette mission vise à préserver ces oeuvres et objets des atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne. 

Deuxièmement, une mission d’encouragement au développement de l’offre légale et de répression de l’utilisation illicite des oeuvres et objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin. Troisièmement, une mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des oeuvres et des objets protégés.

La loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux oeuvres culturelles à l’ère numérique et son décret d’application du 27 décembre 2021 ont en particulier doté l’ARCOM d’une mission de lutte contre les pratiques digitales illicites.

À l’origine de ces textes se trouve en effet un double constat : constat d’abord de la modification des pratiques digitales des Français qui ont de plus en plus accès aux oeuvres par la voie du streaming ou du téléchargement en direct ou IPTV ;  constat ensuite de la forte augmentation des biens culturels dématérialisés à laquelle est associée une augmentation des pratiques illicites. 

Un système de « liste noire »
Ce système est prévu par l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle. L’autorité peut établir, après une procédure contradictoire, une liste des services portant atteinte de manière grave et répétée au droit d’auteur et aux droits voisins. Cette liste permet d’informer les utilisateurs et d’inciter les intermédiaires à ne plus collaborer avec les services identifiés comme manifestement « contrefaisants ». Cette caractérisation d’une atteinte aux droits permet également aux ayants droit de saisir le juge judiciaire afin d’obtenir le blocage des services illicites. L’instruction est menée par un rapporteur désigné par le président de l’ARCOM.

Le rapporteur doit informer le service visé que son inscription sur cette liste est envisagée, lui en indiquer les conséquences et lui permettre de présenter des observations avant la tenue de la séance publique qui doit se tenir dans un délai de deux mois suivant la transmission du rapport au président de l’ARCOM. Pendant toute la durée de son inscriptio sur cette liste, les acteurs entretenant des relations commerciales avec ce service, notamment pour pratiquer des insertions publicitaires ou procurer des moyens de paiement, doivent rendre publique, au moins une fois par an, l’existence de ces relations.

Relevons toutefois que le service de communication au public en ligne inscrit sur la liste des sites manifestement contrefaisants peut à tout moment en  demander son retrait. La demande doit être adressée à l’ARCOM par lettre recommandée. L’Autorité dispose alors d’un délai de quatre mois pour prendre sa décision.

La lutte contre les sites « miroirs »

L’article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle permet également à l’ARCOM de lutter contre les sites « miroirs », c’est-à-dire les services similaires aux sites manifestement contrefaisants bloqués, qui apparaissent à la suite de la mise en œuvre des mesures de blocage. Ainsi, lorsqu’une décision judiciaire ordonne une mesure empêchant l’accès à un service de communication au public en ligne, l’ARCOM peut demander à toute personne visée par cette décision d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service condamné.

Il s’agit ici de lutter contre le phénomène de répétition des infractions sur l’internet : les sanctions judiciaires de blocage ou de déréférencement des sites illicites sont en effet facilement détournées en pratique par la création d’un nouveau site accessible par un autre nom de domaine. L’actualisation des mesures de blocage demandée par l’ARCOM aux personnes visées par la décision judiciaire peut notamment consister à faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès aux sites miroirs. Le mécanisme de réponse graduée est par ailleurs enrichi de la possibilité donnée à un ayant droit individuel de saisir directement l’ARCOM d’une demande d’intervention, alors que cette possibilité n’était auparavant donnée qu’à un organisme de gestion collective.

Enfin, l’ARCOM doit faire appliquer et respecter le droit dont disposent désormais (depuis la loi du 25 octobre 2021) les entreprises de communication audiovisuelle visées à l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, de s’opposer aux radiodiffusions et aux exploitations en ligne de leurs programmes. Relevons par ailleurs qu’en vertu de l’article L. 333-10 du code du sport, ces entreprises peuvent saisir en référé le président du tribunal judiciaire afin de faire cesser la retransmission illicite, par un service de communication au public en ligne, des manifestations et compétitions sportives (live streaming) sur lesquelles elles ont acquis des droits à titre exclusif. Le titulaire des droits doit communiquer à l’ARCOM les données d’identification du service en cause afin que les mesures décidées par le juge puissent être mises en œuvre.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         Frédéric Dieu