VIDÉO – Employeur, puis-je rompre un contrat à durée déterminée, voire un CDD d’usage, à l’avance ?

La question qui nous a été posée renvoie à une situation bien particulière. Une entreprise a l’habitude de travailler avec un même salarié en recourant à des contrats à durée déterminée (CDD). Prévoyante et voulant s’assurer de la présence du salarié, l’entreprise a déjà signé plusieurs CDD pour des périodes futures pendant lesquelles elle sait qu’elle aura besoin de celui-ci.

Seulement voilà, le salarié en question commet une faute grave lors de l’exécution d’un des CDD. Et il reste encore plusieurs CDD à venir dans les mois à venir qui sont d’ores et déjà signés… L’employeur, qui a perdu confiance dans son salarié, peut-il rompre par avance des contrats non entrés en application mais sur lesquels il s’est engagé ?

Accord à l’amiable

Une solution sans risque : l’employeur et le salarié peuvent se mettre d’accord pour rompre par avance, pour annuler les CDD à venir. Autant les parties sont libres de se lier par un contrat, autant elles sont libres de s’en délier d’un commun accord. Cette annulation pour l’avenir est indolore : aucune indemnité de fin de contrat n’est due puisqu’elle est calculée sur la base des salaires perçus pendant le contrat ; or, par définition, il n’y pas eu de salaire perçu pendant le contrat puisque celui-ci n’a jamais été exécuté.

À noter que, s’il s’agit d’un CDD d’usage, ce qui sera le cas dans le cadre des métiers d’artistes ou d’ouvriers techniciens du spectacle, il n’y a jamais d’indemnité de fin de contrat.

Toute autre solution contient une part de risque de rupture abusive des contrats à venir par l’employeur…

Dans le cas contraire…

Imaginons que les CDD à venir contiennent une période d’essai. Pourrait-on imaginer que l’employeur rompe la période d’essai dès le début du contrat ? Après tout, il n’y a pas besoin de motiver la rupture du contrat pendant la période d’essai. Mais la période d’essai est censée permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail. Si l’employeur ne laisse pas la période d’essai se dérouler un minimum, il y a un risque que la rupture soit considérée comme abusive car il n’aura pas laissé au salarié le temps de faire ses preuves.

Oui mais, me direz-vous, on sait que le salarié n’est pas fiable car il a commis une faute dans le cadre d’un précédent contrat. Ne peut-on se servir de cette faute pour justifier que les contrats futurs ne soient pas applicables ? La réponse doit être négative. Pour rompre un CDD de manière anticipée en raison de la faute du salarié, nous pensons qu’il faut que cette faute soit relative au contrat. Donc pour les CDD à venir, impossible de se prévaloir d’une faute commise sous l’empire d’un ancien CDD : le salarié et l’employeur repartent sur une page blanche.

Imaginons néanmoins que l’employeur se résolve à mettre fin aux CDD à venir dès la première heure de la prise de poste du salarié, période d’essai ou non. Quelles en seraient les conséquences ? Le salarié pourrait rechercher la responsabilité de l’employeur devant le Conseil de prud’hommes et solliciter ainsi des dommages et intérêts. Ce serait au salarié de démontrer le caractère abusif de la rupture de chaque contrat. Sans période d’essai, il faudrait avoir eu recours à la procédure de licenciement et nous pouvons douter qu’il existe une faute relative au contrat rompu. Avec période d’essai, dans les conditions que nous avons données de la rupture de celle-ci, l’aspect prématuré et donc abusif ne fera pas de doute. Pour finir, l’employeur devra sans nul doute verser des dommages et intérêts…

De manière générale, il n’est pas sain de signer par avance des CDD successifs. Déjà à cause de la perte de confiance qui peut intervenir en cours de route, ce qui entraîne les complications que nous venons de voir. En plus, sauf CDD d’usage, le motif des CDD à venir nous semble pouvoir mal tenir debout.

Il faut pour l’employeur se pencher sur d’autres modalités de gestion. A minima, on pourra envisager de signer les CDD au fur et à mesure du temps !

Julien MONNIER – Avocat au Barreau de Nantes