L’encadrement du temps de travail a été, en 1841, l’objet de la première loi du travail. Et pourtant, force est de constater que le sujet reste brûlant à bien des égards. En près de 180 ans, ces règles ont été à de nombreuses reprises aménagées, mais le principe reste inchangé : protéger les travailleurs d’une charge de travail trop lourde. Cette charge de travail est alors appréciée en unités de temps, à l’heure, voire en jours. La protection des travailleurs passe alors par un encadrement du temps de travail, en limitant le temps passé à la disposition d’un employeur et en garantissant un temps « libéré » de ses obligations professionnelles.   

Les limites portées au temps de travail

Si, en France, la durée « normale » du travail est de 35 heures par semaine, il est possible de travailler plus, mais dans certaines limites posées par la loi et parfois aménagées par les partenaires sociaux. Ces limites concernent l’ensemble des activités salariées, tous employeurs confondus. Ainsi, en cas de cumul de plusieurs emplois, ces limites s’apprécient en cumulant l’ensemble des emplois occupés. En ce sens, la CCN des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012 (IDCC 3090), précise que « le salarié est tenu d’informer l’employeur, préalablement à la signature du contrat, de ses engagements signés par ailleurs. En outre, si un salarié souhaite, postérieurement à son engagement, exercer une autre activité professionnelle, même non susceptible de concurrencer les activités de l’employeur, il devra l’en informer par écrit. »[1].Ces limites s’apprécient sur plusieurs périodes : la semaine et la journée. 

Les limites hebdomadaires

La première limite au temps de travail est posée par l’article L.3121-20 du code du travail : « La durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures » et calculée « sur une période quelconque de douze semaines consécutives, [elle] ne peut dépasser quarante-quatre heures »[2].

Cette double limite s’apprécie sur la semaine calendaire (du lundi au dimanche) et non pas sur une période de sept jours consécutifs. Dans de très rares cas, « en cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci, le dépassement de la durée maximale définie à l’article L. 3121-20 peut être autorisé par l’autorité administrative, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine[3]. »

C’est notamment le cas de la CCN de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006[4] qui prévoit que « l’employeur pourra solliciter de la direction départementale du travail compétente une dérogation à la durée hebdomadaire maximale de travail effectif sur une semaine de 48 heures afin de la porter à 54 heures » sous certaines conditions[5]. Et « dans le cas d’une semaine de tournage de 6 jours, l’employeur pourra, d’autre part, demander à la direction départementale du travail compétente une dérogation pour porter à 60 heures la durée maximale hebdomadaire de travail. Cette dérogation est limitée à un maximum de 3 semaines consécutives[6]. »

Un accord collectif de travail peut prévoir le dépassement de cette durée pluri-hebdomadaire de 44 heures, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée, calculée sur une période de 12 semaines, à plus de 46 heures[7]. Cet aménagement de la durée maximale de travail sur 12 semaines a notamment été mis en place par la CCN de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006[8] et la CCN de la production cinématographique[9].

Ces secteurs bénéficient toutefois de dérogations plus larges encore, prises par décret. C’est notamment le cas des secteurs de l’audiovisuel[10], de l’aide à la création événementielle[11] et de la production cinématographique[12] pour lesquels le temps de travail effectif peut être porté à 48 heures en moyenne sur 4 mois consécutifs. Enfin certains secteurs comme celui de la production cinématographique bénéficient d’un système d’équivalence qui, selon les professions, autorisent entre 45 et 57 heures de travail par semaine[13]. Si le temps de travail est contraint à l’échelle de la semaine, il l’est aussi à la journée. 

Les limites journalières

Le principe posé par le code du travail est une limitation quotidienne de la durée du travail effectif à 10 heures par jour[14]. Mais cette limite connaît, elle aussi, quelques exceptions :

 sur autorisation de l’inspecteur du travail ;

 par accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord collectif de branche : un tel accord collectif peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de 12 heures[15].

Certaines de ces dérogations profitent directement aux secteurs culturels tels que l’audiovisuel, pour lequel le temps de travail effectif peut être porté à 12 heures[16], ou encore l’aide à la création événementielle, pour lequel il est possible de réaliser 12 heures de travail effectif sur une amplitude de 15 heures[17]. D’autres secteurs rappellent expressément que les durées légales du travail s’appliquent et qu’« en aucun cas, la signature du contrat par un salarié ne peut le conduire à dépasser les durées maximales de travail »[18]. Mais pour être pleinement efficace, l’encadrement du temps de travail doit aussi passer par l’encadrement du temps de repos.

Et garantir des temps de repos

De la même manière que le temps de travail est limité, le temps de repos bénéficie de garanties qui s’apprécient à la journée et à la semaine. Mais attention à ce qu’il convient d’entendre par temps de repos. Puisque le temps de repos se définit par opposition au temps de travail, le temps passé hors temps de travail est considéré être du temps de repos. Nous concéderons volontiers que cette notion de repos puisse être discutée par toutes celles et ceux qui, quotidiennement, avant et après leur temps de travail, connaissent les joies agglutinées d’un métro bondé.

Le repos quotidien

Le repos est d’abord quotidien et de 11 heures minimum[19].

Toutefois, un accord collectif de travail peut réduire le temps de repos quotidien sans pour autant que cette durée puisse être inférieure à 9 heures[20]. C’est notamment le cas de la CCN de la production audiovisuelle qui autorise, pour certains emplois, une réduction du temps de repos quotidien à 9 heures sans que celle-ci ne puisse intervenir plus de deux fois par semaine pour un même salarié[21]. Ce dispositif se retrouve également dans le secteur de la production cinématographique[22].Ces minima, qu’ils soient de 11 ou de 9 heures, sont d’ordre public et s’imposent aux parties. Ainsi, un employeur n’est pas autorisé à imposer un repos quotidien inférieur à la durée minimale prévue par la convention collective et le salarié ne peut valablement donner son accord à une telle réduction[23]. En l’absence d’accord collectif, l’employeur peut demander une dérogation à l’inspecteur du travail en cas de surcroît exceptionnel d’activité[24].

D’autres conventions, quant à elles, prévoient des temps de repos supérieurs aux 11 heures prévues par le code du travail. Ainsi, pour les artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision, « deux journées consécutives de travail devront être séparées par un intervalle minimum de douze heures, décompté du studio ou du lieu de dispersion à l’arrivée au studio ou au point de rassemblement. Toutefois, si les nécessités de la production l’exigent, cet intervalle peut exceptionnellement, une fois au maximum au cours d’une semaine, être diminué, sans pouvoir être inférieur à dix heures[25]. »

Le repos hebdomadaire

Au-delà du repos quotidien, tout salarié ne peut travailler plus de 6 jours par semaine et doit bénéficier d’un repos minimum de 35 heures consécutives[26]. Par principe, ce repos est dominical[27]S’il n’existe pas de dérogation à l’interdiction de travailler plus de 6 jours par semaine, le repos hebdomadaire peut être réduit. C’est notamment le cas dans le secteur de la production audiovisuelle : le repos hebdomadaire peut être réduit de 35 à 33 heures lorsque le repos quotidien est réduit de 11 à 9 heures.

Quant au repos dominical, de nombreuses dérogations existent, liées aux secteurs d’activité. Par exemple, la CCN de la production cinématographique prévoit que « le repos hebdomadaire est pris le dimanche. Toutefois, la production de films cinématographiques et publicitaires étant une activité pour laquelle les articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du code du travail autorisent le travail du dimanche, l’employeur pourra recourir au travail du dimanche et fixer le repos hebdomadaire un autre jour de la semaine civile[28]

Le temps de pause

Enfin, au sein d’une journée de travail, la loi (et parfois les conventions collectives) aménage des temps de repos obligatoires, dits temps de pause. Le minimum légal est ici de 20 minutes de pause après 6 heures de travail effectif.

les sanctions

Les infractions à la réglementation relative aux temps de travail et temps de repos sont punies de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe (750 euros). Les contraventions donneront lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés indûment employés[29].

Le salarié pourrait également considérer que le non-respect du repos quotidien constitue un manquement grave de l’employeur, violant l’obligation de sécurité de résultat qui s’impose à lui et prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou en demander la résiliation judiciaire.

Ainsi, devant la diversité des règles applicables en matière de temps de travail et temps de repos, selon les secteurs d’activité voire les professions, pensez, à chaque fois que vous envisager de déroger aux dispositifs légaux, à vérifier qu’un régime dérogatoire est applicable à vos salariés.

Clément Monnier

 [1] Article 8 de la CCN des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012 (IDCC 3090).

[2]Article L.3121-22 du c.trav.

[3] Article L.3121-21 du C.trav.

[4] IDCC 2642.

[5] Article VI.3.2.1 de la CCN de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006 (IDCC 2642).

[6] Ibid.

[7] Article. L. 3121-23 du C.trav.

[8] Article VI.3.2.1 de la CCN de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006 (IDCC 2642).

[9] Article 25 du titre II de la CCN de la production cinématographique du 19 janvier 2012 (IDCC 3097).

[10] Décret D 2007.1753.

[11] Décret D2009-44.

[12] Décret D2013-1165.

[13] Ibid.

[14] Article L3121-18 du C.trav.

[15] Article L. 3121-19 du C.trav.

[16] Décret D 2007.1753.

[17] Décret D2009-44.

[18] Article 8 de la CCN des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012 (IDCC 3090).

[19] Article L3131-1 du C.trav.

[20] Articles L. 3131-2 et D. 3131-3 du C.trav.

[21] Article VI.3.1.2 de la CCN de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006 (IDCC 2642).

[22] Article 23 de la CCN de la production cinématographique du 19 janvier 2012 (IDCC 3097).

[23] Cass. soc., 8 juin 2010, no 08-45.577.

[24] Articles L. 3131-3 et D. 3131-4 du C.trav.

[25] Article 5.5.2.3. de la CCN des artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision du 30 décembre 1992 (IDCC 1734).

[26] Articles L.3132-1 et L.3132-2 du C.trav.

[27] Article L.3132-3 du C.trav.

[28] Article 23 de la CCN de la production cinématographique du 19 janvier 2012 (IDCC 3097).

[29] Article R. 3135-1 du C.trav.