Quelles sont les conséquences de l’absence de spectateurs à une représentation sur le contrat de travail des artistes et techniciens ?

Entre le producteur et l’artiste

 Il n’y a pas de définition du contrat de travail dans le Code du travail ou dans la loi. C’est la jurisprudence qui pose les critères permettant d’identifier le contrat de travail. Selon elle, il y a un contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne moyennant rémunération (Cass. soc., 22 juill. 1954 ; Bull. civ. 1954, IV, n° 476).

L’article L.7121-3 du Code du travail établit une présomption de salariat au profit des artistes, en disposant que « tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail (…) ». En d’autres termes, tout contrat liant un artiste à un producteur est présumé être un contrat de travail. Ce contrat lie les parties dans des conditions assez claires. : je t’engage pour effectuer un spectacle, tu fais le spectacle et je te paye.

Entre le spectateur et la salle

A côté de cette relation de travail, il existe une autre relation contractuelle. A ce sujet, l’expression selon laquelle le spectateur achète un billet est juridiquement fausse. Le spectateur n’a pas acheté un bout de papier. Il a acquis le droit de voir un spectacle à des conditions définies et, en échange du paiement, un document prouvant son droit d’accès au spectacle lui est délivré, c’est le billet. Le billet est la preuve d’un contrat entre le spectateur et la salle. Celle-ci reste en dette envers le spectateur tant qu’elle n’a pas rempli son obligation qui est de présenter le spectacle.

Et si personne ne vient ?

 S’il n’y a pas de spectateur, cela veut dire qu’il n’y a aucun contrat qui oblige le producteur à présenter le spectacle. Mais cela n’interfère pas avec le contrat de travail des artistes.

Si ça lui chante, le producteur peut exiger une prestation aux artistes même si aucun billet n’a été vendu. Tout comme il peut les délivrer de l’exécution de leur travail, ce qui n’aura aucune incidence sur la rémunération des artistes. Il en va de même si le producteur annule la représentation parce qu’il y a trop peu de spectateurs. Restera à rembourser les spectateurs et après c’est une affaire entre le producteur et la salle.

Inutile pour le producteur d’aller se réfugier derrière la notion de force majeure pour mettre fin au contrat et dire aux artistes qu’il n’y aura ni spectacle ni rémunération. Pour qu’un évènement soit revêtu de la force majeure, il doit être insurmontable et échapper au contrôle des personnes concernées, ce qui est le cas de l’absence de spectateur, mais il doit aussi être imprévisible, or on peut toujours faire un four.

Julien MONNIER, Avocat au Barreau de Nantes