Dans quelles circonstances peut-on citer l’œuvre de quelqu’un d’autre ? Est-ce que l’on peut citer un tableau ? Un film ? Une chanson ? C’est possible, mais dans un cadre strict, porté par trois conditions précises.

Aux termes de l’article L.122-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), l’auteur d’une œuvre possède sur celle-ci le droit d’exploiter cette œuvre. L’article L.122-5 du même Code vient poser une série d’exceptions qui limite le monopole d’exploitation de l’auteur. C’est ici que se trouve l’exception du droit de citation : « Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées. »

Vous comprendrez que si vous avez l’autorisation de l’auteur de reproduire son œuvre, alors vous ne vous trouvez pas dans le cadre du droit de courte citation, lequel ne trouve à exister que si vous n’avez pas d’autorisation de l’auteur.

Mais avant tout, de quelle œuvre parlons-nous ? Alors que le Code ne restreint pas l’objet de la citation, la Cour de cassation a rapidement restreint les citations licites aux seules œuvres littéraires. Cependant, elle a par la suite infléchi sa formule rituelle en indiquant « attendu que la reproduction intégrale d’une œuvre, quel que soit son format, ne peut s’analyser comme une courte citation » (Civ. 1ère, 7 nov. 2006, n° 05-17.165), introduisant un « quel que soit son format » qui ouvre des perspectives. Si, à l’heure actuelle, jamais notre plus haute cour n’a rendu de décision lui permettant d’affirmer qu’elle avait changé son fusil d’épaule, la jurisprudence des tribunaux et des cours du fond admet bien volontiers qu’on puisse citer une musique ou un film.

Trois conditions sont à respecter pour une citation en bonne et due forme. La condition la plus simple, celle d’indiquer la paternité de l’œuvre, soit le nom de l’auteur et la source pour trouver l’œuvre. Reste les deux autres : les conditions de matérialité et de finalité.

La condition de matérialité impose d’abord que la citation soit courte. Pour un roman ou une pièce de théâtre, ce sera simple de ne pas dépasser quelques lignes. Pour une musique, une chanson, voire un poème, la citation devra être ciselée. Pour un film ou un clip, c’est la même idée, que l’on reprenne un passage ou des photos extraites de l’œuvre. Pour un tableau ou une sculpture, cela pose plus de problème : il faut se contenter de détails de l’œuvre car on ne pourra considérer comme une citation l’exposition globale, même fugace, de l’œuvre dans un reportage ou un coup de cœur sur Profession Culture.

La condition de matérialité impose également que la citation soit incorporée dans une œuvre citante. Impossible, par exemple, de faire un recueil de citations, car il n’y a alors plus d’œuvre de l’esprit en elle-même dans laquelle la citation est incorporée. À moins, bien sûr, d’avoir l’autorisation de tous les auteurs dont on fait citation, mais nous ne sommes alors plus dans le cadre du droit de courte citation.

La condition de la finalité impose que la citation se justifie par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre citante. Si on peut citer des extraits de chanson dans un ouvrage consacré à l’étude des textes d’un auteur, on ne peut viser une citation sur la couverture elle-même du livre car cet extrait se trouve alors détaché de l’œuvre citante et a une visée commerciale qui suppose d’avoir obtenu l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants-droits*.

Voyez la décision rendue par le Tribunal judiciaire de Paris le 4 mars 2022 (RG n° 22/00034) et vous aurez un exemple d’actualité : un clip de campagne politique ne rentre pas dans les finalités prévues par le droit de courte citation.

Julien MONNIER – Avocat au Barreau de Nantes

* CA Paris, pôle 5-1, 12 janvier 2021, RG n° 15/19803, Jean Ferrat

.