Pourquoi protéger une création ?

Que protéger ?

Le droit d’auteur protège des concepts, des textes, des développements informatiques (code source ou code objet) ainsi que des créations visuelles et sonores, à condition, dans tous les cas, que la « création » soit originale. Il permet d’interdire à un tiers d’exploiter sans autorisation cette idée ou ce concept tel que mis en œuvre. En effet, les idées, les concepts et les méthodes ne sont pas, en tant que tels, directement protégeables. Seule la forme dans laquelle ils sont exprimés, leur mise en œuvre matérielle, sont protégeables : l’œuvre doit donc être matérialisée dans une forme perceptible.

L’article L. 112-2 du code de propriété intellectuelle fournit une liste non exhaustive des œuvres protégées par le droit d’auteur[1]. Parmi celles-ci figurent les œuvres littéraires (romans, poèmes, pièces de théâtre, journaux), les scénarios, films et créations audiovisuelles, les compositions musicales et œuvres chorégraphiques, les tours de cirque et de magie ainsi que les œuvres artistiques telles que les peintures, dessins, photographies, sculptures.

Qui est protégé ?

La qualité d’auteur appartient à la personne qui a créé l’œuvre et sous le nom de laquelle l’œuvre est divulguée. Le créateur peut céder ses droits patrimoniaux[2] à une autre personne ou à une société de gestion collective des droits. Dans ce second cas, l’auteur fait apport à la société́ de ses droits d’autoriser ou d’interdire la représentation et la reproduction de ses œuvres et se voit assuré par cette société du contrôle de l’exploitation de ses œuvres et de la perception de ses droits. Précisons que lorsque l’auteur n’est pas indépendant mais salarié, le contrat de travail qui le lie à son employeur n’entraîne pas cession automatique des droits patrimoniaux à ce dernier : la cession des droits patrimoniaux à l’employeur est certes possible mais elle doit être expressément prévue par le contrat de travail.

Pourquoi protéger ?

En principe, la protection accordée par le droit d’auteur court à compter du jour de la création et ne nécessite pas de formalités administratives de dépôt. Toutefois, en cas de contentieux et plus généralement de contestation, l’auteur qui réclame la protection devra rapporter la preuve de la paternité et de la date de création de l’œuvre. Il est donc essentiel, pour l’auteur, d’établir une telle preuve.

Comment protéger une création ?

Première étape, obligatoire : formaliser et décrire la création

L’auteur qui souhaite protéger son idée doit d’abord la formaliser et la décrire dans un document ou plus généralement un support matériel, ce de façon la plus exhaustive et détaillée possible. Cette description pourra être littérale et écrite (scénario, adaptation, texte théâtral) mais elle pourra aussi être graphique (chorégraphie, bande dessinée), sonore (musique, voix enregistrées) ou visuelle (vidéos, dessins, photographies, films, tours de cirque)

 Deuxième étape, obligatoire : prouver que l’on est à l’origine de l’idée par un dépôt juridiquement constaté

L’auteur doit prouver cette origine d’un point de vue matériel (il a créé l’œuvre) et temporel (date à laquelle il l’a créée). Il peut apporter cette preuve de trois manières. Une seule suffit.

La première manière consiste à déposer une enveloppe dite « Soleau » (du nom de son créateur Eugène Soleau) auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). L’enveloppe, fournie par l’INPI, comporte deux compartiments : un exemplaire du document décrivant le concept ou l’idée doit être déposé dans chacun des compartiments. L’INPI enregistre l’enveloppe et renvoie à l’auteur un des compartiments qui ne doit pas être ouvert. Le compartiment conservé par l’INPI est archivé pendant cinq ans (une prorogation est possible).

La deuxième manière de protéger une œuvre, plus usuelle dans le spectacle vivant par exemple, consiste à déposer le projet auprès d’une société d’auteurs. Le dépôt est conservé quatre ans (une prorogation est possible).

Les principales sociétés de dépôt sont :

– l’ADAGP, société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (peinture, sculpture, photographie, multimédia) : https://www.adagp.fr ;

– l’Agence pour la protection des programmes (APP) qui protège les créations numériques (logiciels, applications mobiles, bases de données, sites internet…) : https://www.app.asso.fr ;

– la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) qui protège toutes les formes théâtrales ainsi que les œuvres audiovisuelles et les créations en matière de danse, opéra, comédie musicale, mime, cirque : https://www.sacd.fr ;

– la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) qui protège les œuvres musicales (paroles et musique) : https://www.sacem.fr ;

– la Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (SAIF) qui protège les images fixes (photographies, peintures, illustrations) : https://www.saif.fr ;

– la Société des auteurs multimédia (SCAM) qui protège les œuvres audiovisuelles, radiophoniques et multimédia : http://www.scam.fr ;

– la Société des gens de lettres (SGDL) qui protège en particulier les œuvres littéraires et les documentaires : https://www.sgdl.org ;

– le Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC) qui protège les œuvres littéraires et théâtrales, les projets d’émissions, les scenarii, numéros de cirque, méthodes de musique, de chant…ainsi que les œuvres musicales (variétés, cinéma, télévision, radio, générique, publicité́) : https://www.snac.fr ;

– la Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) : https://www.adami.fr ;

– la Société des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) : http://www.sppf.com ;

– la SPEDIDAM qui protège les artistes interprètes de la musique et de la danse : https://spedidam.fr

La troisième manière de protéger une création est de la déposer auprès d’un huissier de justice qui en établit un constat. L’huissier décrit dans un procès-verbal les éléments confiés et la date à laquelle le constat intervient. Il conserve une copie au sein de son étude pendant vingt-cinq ans.

Troisième étape, facultative : le dépôt de marque, dessin ou modèle

L’auteur d’une création originale peut enfin avoir intérêt à protéger spécifiquement tant le titre que les illustrations (dessins et modèles) de son œuvre. Cette protection spécifique peut s’effectuer par dépôt du titre et des illustrations auprès de l’INPI. Le titre d’une œuvre peut ainsi être déposé en tant que marque : le dépôt en tant que tel du titre d’un film permettra notamment de protéger les produits dérivés du film (vêtements, bijoux, CD, DVD, Blu Ray…). De même, le créateur d’une bande dessinée peut avoir intérêt à déposer son personnage (en particulier son personnage principal) en tant que modèle afin de pouvoir librement en concevoir, exploiter et autoriser les créations dérivées telles que les figurines. Il peut aussi avoir intérêt à déposer un personnage en tant que marque afin de maîtriser, et donc de pouvoir commercialiser, autoriser ou interdire, les produits fabriqués à l’effigie de ce personnage.

Frédéric DIEU

[1]https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=279319023AB8E94FBED5ED47BBA8B63A.tplgfr29s_1idSectionTA=LEGISCTA000006161634&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20200402

[2] Ces droits, que l’on distingue du droit moral qui est incessible et perpétuel, comprennent la reproduction de son œuvre sous diverses formes (clichés photographiques d’une toile, enregistrement sonore d’un morceau de musique, enregistrement visuel d’une chorégraphie…), la communication de son œuvre au public (diffusion de musique dans un magasin par exemple) ainsi que son exploitation (traduction de l’œuvre en d’autres langues, adaptation de l’œuvre consistant par exemple à transformer un roman en scénario de film).