Le BYOD ou bring your own device est le fait pour le salarié de se servir de ses outils personnels pour effectuer son travail. Cette pratique est très souvent non encadrée par l’employeur qui prend ainsi des risques conséquents.

Dans le monde de la culture, du spectacle et du cinéma, la situation est en fait d’une banalité quotidienne. Une entreprise fait appel à un technicien vidéo / monteur pour de la captation et du montage ; il est prévu par oral que le salarié utilise sa propre caméra et monte la vidéo sur son ordinateur personnel. Un studio de cinéma emploie une figurante pour un rôle d’agent de police, rôle qu’elle a l’habitude de tenir car elle arrive au volant de sa propre voiture de police, une patrouilleuse qui est utilisée pour les scènes, mais l’apport de ce véhicule à la scène ne figure pas au contrat. Un musicien arrive dans la fosse de l’orchestre avec son propre violon. On pourrait démultiplier les exemples dans le monde de la culture.

Le principe est pourtant que c’est à l’employeur de fournir le matériel de travail : un stylo, une clé USB, une caméra ou un violon, pour ne pas dire une patrouilleuse. « L’employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires… » (art. R.4321-1 du Code du travail – CT).

À ne pas fournir les instruments de travail, l’employeur peut engager sa responsabilité en manquant à son obligation de bonne foi (art. L.1222-1 CT). Le risque existe même d’aller jusqu’à justifier une résiliation judiciaire ou une prise d’acte de rupture de la part du salarié, ce qui pourrait conduire à des dommages et intérêts alloués par le juge.

Et si le matériel du salarié est la cause d’un accident pour le salarié ? La caméra tombe sur le pied du cameraman, la comédienne se claque la porte de la voiture sur la main, etc. Est-ce qu’il s’agit toujours d’un accident du travail ? Oui. L’origine du matériel en cause n’est pas prise en compte pour reconnaître l’accident du travail (art. L.411-1 du Code de la sécurité sociale).

C’est un avertissement pour l’employeur : ne devrait-il pas se demander si la patrouilleuse, le violon, la caméra présente toutes les garanties de sécurité ? En cas d’accident du travail, n’est-il pas en plus responsable d’un manquement à son obligation de santé ? En effet, comment pourrait-il justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail ? Comment pourrait-il encore l’avoir intégré dans l’évaluation des risques ?

Et si le dommage est causé aux tiers ? Cette fois, la caméra tombe sur le pied de la personne filmée qui n’est pas un acteur. Est-ce que le cameraman est responsable car il s’agit de sa caméra ? Non. C’est une responsabilité de plein droit de l’employeur (art. 1242 du Code civil) qui ne peut d’ailleurs s’exonérer de sa responsabilité que dans des cas très particuliers qui ne correspondent pas à la situation du BYOD. Mais alors n’y a-t-il pas là encore un intérêt tout particulier pour l’employeur de s’assurer de l’absence de dangerosité du matériel employé ? La meilleure solution n’est-elle pas de fournir lui-même le matériel ?

Et si c’est l’employeur qui subit le dommage ? Imaginons que le fait pour le monteur d’utiliser son ordinateur personnel pour monter la vidéo et l’envoyer à l’employeur transmette un virus sur le réseau de l’entreprise. Ou que les prises de vue soient détruites par une panne définitive de l’ordinateur personnel du salarié. L’employeur n’aura qu’à s’en mordre les doigts. Il n’a aucun recours contre son salarié qui n’a pas agi avec une intention de lui nuire et auquel il n’avait qu’à confier le matériel adéquat.

Toutes ces questions devraient, à notre humble avis, amener l’employeur à regarder avec méfiance le BYOD et à fournir ses salariés en matériel adapté.

Alors, que faire pour prévenir l’utilisation par le salarié un peu trop zélé d’utiliser sa caméra parce qu’il la connaît mieux et qu’il ira plus vite ? La solution est simple. Le règlement intérieur permet d’écrire en toutes lettres que les salariés ne doivent utiliser que le matériel qui leur est fourni et pas un autre.

Et quid si on estime ne pas avoir le choix ? Réponse dans le prochain instant pro.

Julien MONNIER – Avocat au Barreau de Nantes