Comment faire si on n’a pas d’autre choix que de demander à un salarié de se servir de ses outils personnels pour effectuer son travail ? Une demande tout de même risquée tant la pratique reste occulte.

Nous nous sommes penchés la semaine dernière sur le BYOD, c’est-à-dire quand le salarié se sert de ses outils personnels pour effectuer son travail, pour alerter sur la prise de risque réalisée par l’employeur dans ce genre de cas et inviter l’employeur à fournir les équipements de travail. Nous allons voir aujourd’hui comment faire si on n’a pas d’autre choix que d’en passer par là.

Rappelons nos exemples. Un technicien vidéo / monteur salarié utilise sa propre caméra et monte la vidéo sur son ordinateur personnel. Un studio de cinéma emploie une figurante pour un rôle d’agent de police et elle vient au volant de sa propre voiture de police pour tourner des scènes. Un musicien arrive dans la fosse de l’orchestre avec son propre violon.

Pour encadrer cette pratique du BYOD, il faut l’écrire noir sur blanc. D’abord dans le règlement intérieur, en précisant que les salariés ne doivent utiliser que le matériel qui leur est fourni et pas un autre, sauf dérogation contractuelle. Il s’agit de se prémunir.

Il faut donc aussi rédiger la clause appropriée dans le contrat. Il paraît illégal d’inscrire dans le contrat une obligation pour le salarié d’apporter son matériel. On doit néanmoins considérer le cas où le fait d’apporter son propre matériel relèverait d’un usage. Les professionnels ne peuvent que remarquer qu’il est d’usage pour un musicien que de venir avec son propre instrument. Alors, dans ce cas, le minimum sera d’indiquer dans le contrat que l’employeur a mis du matériel à disposition du salarié mais que celui-ci préfère utiliser son propre matériel.

Il faut le préciser dans le contrat qui assure le matériel en cas de dommage à celui-ci. Côté employeur, aucun assureur n’acceptera d’assurer à l’aveugle les risques d’un matériel inconnu. Côté salarié, il faut que celui-ci trouve un assureur qui accepte d’indemniser le salarié en cas d’utilisation de son matériel hors cadre privé. Il en coûtera certainement une surprime, laquelle pourra être remboursée en tout ou partie par l’employeur.

Et comment traiter la question en matière de paye ? La rémunération du salarié se rapporte à la valeur de son travail et n’inclut donc pas l’apport de son matériel. Augmenter son niveau de rémunération n’est donc pas une solution.

Peut-on considérer qu’il s’agit de frais professionnels ? L’exercice est périlleux, notamment vis-à-vis de l’URSSAF. En cas de remboursement sous forme d’allocations forfaitaires, il sera difficile, voire impossible, d’apporter la preuve de l’utilisation des indemnités conformément à leur objet puisque l’employeur ne recueille pas de pièces justificatives et donc, étant hors cadre des forfaits prévus à l’arrêté du 20 décembre 2002, le risque de réintégration dans l’assiette des prélèvements est important. Il faudra préférer le remboursement réel mais il faut alors demander au salarié a minima la facture d’achat du matériel et prévoir dans le contrat de travail la méthode d’amortissement utilisée. Sera-ce suffisant en cas de contrôle ?

On peut aussi envisager de verser par exemple une prime d’outillage au salarié mais il ne s’agira nullement d’un remboursement de frais professionnels. Les charges sociales s’appliqueront mais au moins vous maîtrisez ce que vous faites.

Peut-on envisager de sortir du contrat de travail ? La figurante pourrait louer sa patrouilleuse. Il y a néanmoins des conséquences fiscales car les revenus générés par la location doivent alors être déclarés et peuvent déclencher un impôt. Il faudra également que la comédienne établisse une attestation pour que l’employeur puisse intégrer la dépense dans sa comptabilité. C’est un mélange des genres qui peut soulever des difficultés.

Dans tous les cas, l’employeur doit exiger de voir le matériel en amont afin de s’assurer de l’absence de dangerosité de celui-ci car c’est sur l’employeur que pèse l’obligation de santé et sécurité au travail.

Même quand on souhaite l’encadrer, le recours au BYOD n’est pas sans risque car la pratique reste occulte, ce qui ne permet pas de dégager des règles claires en la matière.

Julien MONNIER – Avocat au Barreau de Nantes